Colonisation et pillage : l’Afrique attend toujours le retour de son patrimoine
Le patrimoine culturel africain a été pillé et volé pendant la colonisation. Ce sont les traces de l’histoire africaine qui sont effacées. La reconstitution du passé dans cette perspective est difficile pour les peuples africains. Pire encore, les objets sont exposés dans les musées européens et vendus aux enchères.
La détention illégale des objets africains dans les musées européens suscite à entamer les démarches par des Africains pour la restitution des biens mal acquis ou volés sur le continent pendant la colonisation. Ce n’est pas seulement du sel dans une blessure, mais une perpétuation du colonialisme. La détention illégale du patrimoine culturel africain, sa vente aux enchères et le refus de le restituer, constituent en effet le stade suprême du néocolonialisme.
Le contexte idéologique: l’afro pessimisme occidental
Le général Leclerc disait : « Avant de s’attaquer au corps des peuples, on s’attaque à leur âme ».
L’âme africaine a fait l’objet de certaines élucubrations intellectuelles, tendancieuses et racistes, qu’on renferme sous le vocable d’afro-pessimisme. L’afro-pessimisme désigne toute doctrine politique, économique, idéologique, toute tendance ou toute attitude d’esprit qui consiste à expliquer les problèmes et les réalités du continent africain rien que sur leur mauvais aspect, de manière sinistre et inquiétante, pour amener à croire que l’Afrique n’a jamais existé. C’est la vision apocalyptique des réalités africaines. Le but de la colonisation était de nier l’identité de l’africain, l’amener à avoir honte de lui-même, l’exclure de l’histoire universelle et justifier son humanisation par l’esclavage et la colonisation, effacer les traces de son l’histoire, de sa mémoire et de son identité afin de faire croire au monde que l’histoire de l’Afrique commence avec la colonisation. Il fallait effacer les traces des brillantes épopées par le pillage du patrimoine culturel africain et la réécriture des mythes racontés par les administrateurs coloniaux et qui sont bien loin des réalités africaines.
Et ce n’est pas tout!
En hiver dernier, environ 200 personnes ont assisté au « Stolen Good Tour», une visite non officielle des objets spoliés et exposés au British Museum de Londres. Des militants égyptiens, soudanais et d’autres pays d’Afrique se sont rassemblés pour demander le retour des biens pillés dans leur pays d’origine. En refusant de reconnaître les origines criminelles d’objets appartenant légitimement à d’autres nations ainsi que les dommages aujourd’hui, les musées contribuent à la nostalgie coloniale qui ravage des pays comme la Grande-Bretagne. Certains musées sont entièrement dédiés aux cultures africaines traditionnelles, de nombreuses autres institutions françaises détiennent des sculptures, masques, instruments de musique, bijoux, textiles, objets de la vie quotidienne ou liés aux pratiques religieuses. Les milieux conservateurs des musées français s’opposent à la restitution du patrimoine, ainsi que le ministère de la culture.
Crédit photo: Iwaria
L’aspect historique et mémoriel
Les nouvelles générations africaines ne connaissent pas leur histoire, car on leur a enseigné l’histoire écrite par le colon. Elles ne connaissent pas leurs héros, ceux qui leur sont enseignés sont les criminels de guerre occidentaux. Cela a une incidence sur la connaissance historique. De nombreuses générations n’ont pas vu les objets, les traces laissées par leurs ancêtres, ce qui constitue un problème de mémoire. La perte de l’identité, de mémoire en Afrique et l’égarement sont liés à la méconnaissance de l’histoire et un large apprentissage de celle du colonisateur. Beaucoup d’Africains ne connaissent pas leur généalogie, leurs ancêtres, ils ignorent totalement le pouvoir traditionnel, les rites, les différentes significations des masques, des statues. L’enseignement de l’histoire est imbriqué sur les systèmes coloniaux sans aucune identité, sans aucune originalité. Pourtant l’Afrique a des penseurs capables d’inculquer les valeurs culturelles et sociales en rapport avec l’héritage de ses ancêtres et la vision afro-centriste du continent. L’histoire de l’Afrique se trouve dans son héritage qui contient son identité culturelle, spirituelle , historique et mémorielle. La justification répandue selon laquelle les pays occidentaux sont plus à même de présenter et préserver ces artefacts volés n’est pas seulement racialisée, elle est également fausse.
La perpétuation du vol
Un certain nombre de nations africaines spoliées par les colonisateurs ont présenté des demandes officielles de restitution d’objets importants sur les plans culturel, religieux et historique. Mais l’incapacité des pays tels que la Grande-Bretagne et la France à reconnaître ses crimes historiques tant sur le plan diplomatique que sur le plan social a abouti à un statu quo qui donne la priorité au droit du colonisateur de conserver les artéfacts acquis illégalement au détriment du droit des nations pillées de jouir de leurs biens culturels. Les autorités égyptiennes ont également renouvelé leur demande vieille de plusieurs décennies de restitution de la pierre de Rosette à temps pour l’ouverture prochaine du très attendu Grand Musée du Caire. Cet artéfact, l’un des objets les plus visités du British Museum, a été saisi par les soldats Britanniques en 1801 après leur victoire contre l’armée napoléonienne en Égypte.
Crédit photo: Kenfack Dirane
La vente du patrimoine culturel : un génocide contre la mémoire des peuples
Le patrimoine culturel ne devrait pas être à vendre ni appartenir à un individu. Nombre de ces objets sont entre les mains de propriétaires privés depuis des décennies et ne sont pas exposés aujourd’hui dans un contexte reconnaissant le coût violent de leur acquisition ou le traumatisme infligé aux visiteurs des anciennes colonies. La vente aux enchères du patrimoine africain valide et soutient la longue histoire de pillage colonial de l’Occident. Cependant, la loi relative au British Museum, qui date de 1963, empêche le musée de retirer officiellement des artéfacts de sa collection, sauf dans des cas très exceptionnels et très rares. En conséquence, la plupart des demandes de rapatriement d’objets sont officieuses. L’idée erronée selon laquelle les musées seraient de simples lieux de divertissement familial décontextualise les biens culturels de pays étrangers en les présentant comme rien de plus qu’un ravissement pour les yeux. C’est une pratique qui vise à détruire la mémoire des peuples, c’est assimilable à un génocide, un crime contre l’humanité. Pour des établissements censés éduquer, quelle est la leçon à tirer de cela ?
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