Les disparus de la crise anglophone : une tragédie sans fin

Article : Les disparus de la crise anglophone : une tragédie sans fin
Crédit: Télé'Asu
25/05/2020

Les disparus de la crise anglophone : une tragédie sans fin

Comment la rediffusion d’un cliché a permis de clarifier le sort d’un homme dont les proches étaient sans nouvelles depuis.C’est l’histoire d’une photo qui relance le débat sur les disparus de la crise anglophone au Cameroun.

D’après le rapport  d’Amnesty International de juin 2018 intitulé Une tournure tragique violences et atteintes aux droits de l’homme dans les régions anglophones du Cameroun,on dénombre près de 600 personnes, dont le sort demeure inconnu,depuis le déclenchement de cette crise en 2016. Ce chiffre serait bien plus élevé d’après les organisations de la société civile.Le cliché relance donc le débat sur les disparus de la crise anglophone. La photo serait celle d’un homme,le journaliste Samuel Wazizi ,porté disparu en 2019, et dont le sort n’a jamais été connu. La publication de la photo sur les réseaux sociaux, provoque un débat passionné sur les disparus de la crise anglophone au Cameroun, une plaie béante.

La photo du journaliste camerounais Samuel Wazizi, disparu depuis Août 2019 et détenu au secret par des militaires et dont la mort en détention a été révélée par Équinoxe Télévision ,confirmée par le Syndicat National des Journalistes Camerounais.
Crédit photo:
Télé’Asu

La disparition du journaliste de la chaîne régionale Chillen Media Television à Buea, dans la région du Sud-Ouest du Cameroun a aussi fait la une de l’actualité. Arrêté le 10 Août 2019 par l’armée à Buea dans le Sud-Ouest pour avoir critiqué la gestion de la crise anglophone au Cameroun par les autorités camerounaises. Depuis dix mois, personne n’avait plus de nouvelles du journaliste. Il n’a jamais été présenté devant la justice , a assuré son avocat, Me Lyonga Ewule, qui a dit avoir tout fait pour rencontrer son client, en vain. Selon un responsable militaire cité par Reporters Sans Frontières, Samuel Wazizi était malade et serait mort pendant son transfert à Yaoundé. Sa mort a été annoncée par Équinoxe télévision lors du journal télévisé de 20 h du 02 juin 2020,puis confirmée par le Syndicat des Journalistes. Plusieurs organisations ont demandé que la lumière soit établie sur cette affaire qui a ému l’opinion publique. Réunies autour du Hashtag #JusticeForWazizi , partagé plus de 16.000 fois en 24 heures, sur Twitter, les voix se sont élevées pour demander que les responsabilités soient établies. Dans un communiqué du Ministère de la défense, publié par Télé’Asu sur son compte Twitter,le gouvernement a fait savoir que le journaliste est décédé le 17 Août 2019 et ajoute que la famille avait été informée. Cette information a surpris les proches du défunt ainsi que la confrérie. Des personnalités ont tenu à attirer l’attention sur les cas d’autres victimes collatérales du conflit qui oppose l’armée camerounaise aux milices séparatistes.

Une horrible tragédie

N’ayant pas pu retrouver le corps des leurs, des milliers de familles n’ont pas fait leur deuil, continuant à espérer voir réapparaître, un jour, un père, un frère, une sœur ou une mère.Il s’agit d’une des plus grandes tragédies de la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, parfois méconnue,parfois oubliée et même niée, qui a fait en 04 ans plus de 1000 morts, de centaines de milliers de blessés et environ 150000 déplacés, d’après le rapport d’Amnesty International. Le nombre de disparus est estimé à 600 personnes. Des hommes, des femmes et des enfants, des militaires dont les familles sont sans nouvelles depuis.
Beaucoup ont été enlevés par des combattants séparatistes. D’autres ont été arrêtés par l’armée ou par des services de sécurité officiels, et n’ont jamais été revus.

Des médias camerounais citant des sources proches de la légion de gendarmerie du Sud-Ouest annoncent qu’une trentaine d’étudiants de l’Université de Dschang, à bord d’un bus, ont été enlevés dans la localité de Fontem, arrondissement d’Alou, département du Lebialem, dans la région du Sud-Ouest du Cameroun par des individus armés de fusils et cagoulés à bord d’un pick-up.Les auteurs de cet enlèvement, selon les mêmes sources, seraient des membres de l’Ambazonia Defence Forces (ADF), la branche armée du mouvement sécessionniste qui met tout en œuvre pour la scission des régions du Nord-ouest et du Sud-ouest.
Crédit photo: Nzonde Romuald

La dimension juridique et légale

Au-delà de la dimension humaine, l’affaire des disparus a posé une multitude de problèmes d’ordre juridique et légal. Le décès n’ayant pas été acté, les questions de statut personnel et d’héritage  restent en suspens pendant des années, conduisant parfois à des situations inextricables.Des enfants n’ont pas pu profiter de l’héritage, d’autres n’ont pas pu continuer les études, certains ont été enrôlés par les groupes armés. L’État du Cameroun a pour l’instant délaissé la question des disparus. Dans les fichiers de l’état civil, près de 1000 personnes dont on ne sait rien depuis bientôt cinq ans sont toujours considérées comme vivantes.

Une plateforme des disparus

Dans le but de créer une banque de données afin d’aider à identifier les milliers de disparus de cette interminable tragédie, une organisation est en création et sera mise sur pied très bientôt avec une plateforme numérique dédiée aux « disparus  de la crise anglophone ». Un site web interactif pourra proposer de recueillir et de mettre en ligne les histoires de ces personnes, de donner un visage, un nom et une vie à ces victimes inconnues. Appelée «Plateforme de l’espoir», la plateforme affiche un slogan qui en dit long : « Aux milliers de disparus dont le sort demeure inconnu ,nous ne permettrons pas que votre histoire s’arrête là ». Animé par des volontaires, ce projet se base sur des interviews avec des familles de disparus dans l’objectif de recueillir, de recouper et de vérifier les informations. Toutes les histoires commencent par une photo. Lorsqu’elle est disponible, un court portrait de la victime et quelques lignes sur les circonstances de sa disparition. Au-delà du travail de mémoire, cette initiative a pour but aussi de proposer des idées concrètes pour faire avancer ce dossier. Ce projet vise à créer une base de données publique sur les personnes disparues, pour relancer le débat sur cette question. La collecte des échantillons est un projet proposé par ces volontaires. L’objectif est de faire pression sur le gouvernement pour le contraindre à ouvrir ce dossier. La société civile réclame aussi un dialogue et la lumière sur toutes les exactions commises pendant cette guerre.Tant qu’elles n’obtiennent pas de réponses, les familles ne pourront pas faire leur deuil, et les camerounais resteront en rupture avec leur mémoire.

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Commentaires

UlrichValdoNzeko
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Kamerun na ulimwengu wote