Sur les traces des réfugiés syriens au Liban

Article : Sur les traces des réfugiés syriens au Liban
Crédit: Kenfack Dirane
30/07/2021

Sur les traces des réfugiés syriens au Liban

Témoignage de survivants de la guerre de Syrie.

C’est l’histoire de deux syriens, Nour Zouari et Waleed Khaled, que j’ai rencontrés à Beyrouth, au Liban. J’étais tellement ému et bouleversé lorsqu’ils m’ont raconté leur histoire. Arrêtés, ayant échappé à la mort plusieurs fois en Syrie, ils ne peuvent effacer de leur mémoire les tortures dont ils ont été victimes de la part des différents acteurs de cette guerre. Tous en gardent de profonds traumatismes.

Avec les réfugiés syriens, Nour et Waleed, dans leur boutique à Beyrouth au Liban.
Crédit photo : Kenfack Dirane

Comment j’ai rencontré les réfugiés syriens au Liban

Lorsque je me promenais dans les rues de Beyrouth au Liban pour chercher du chocolat à acheter, je suis entré par hasard dans une boutique. Je me suis dit que tous les Libanais parlent français. Je demandais les prix de chocolats aux responsables. Je leur ai posé des questions en français, mais ils n’ont pas répondu. J’ai donc repris en anglais, ils prononçaient quelques mots et on se comprenait, on communiquait aussi par des signes.

Après avoir acheté les chocolats, ces jeunes hommes me demandent ma nationalité. Je leur dit que je suis Camerounais. Puis, ils répondent : « Samuel Eto’o, Patrick Mboma ». Moi aussi je leur demande s’ils sont Libanais, ils me disent qu’ils sont Syriens. Je leur demande comment ils se sont retrouvés au Liban. Ils affirment avoir survécu à la répression des manifestations en 2011 à Deera, avoir échappé aux bombardements de l’armée turque à Afrine, avoir été faits prisonniers par Daesh, avoir perdu plusieurs membres de leur famille dans les bombardements de l’armée américaine, avoir été emprisonnés plusieurs fois par l’armée syrienne, avoir été enrôlés dans l’armée syrienne libre (l’opposition), avoir été recrutés par les milices chiites iraniennes opérant en Syrie, avant de rejoindre finalement le Liban, où pour l’instant, ils sont en sécurité.

J’étais bouleversé par ce que j’entendais, j’étais tout petit face à cela et j’ai acheté beaucoup de chocolats pour les encourager. Pour moi, c’est tout ce que je pouvais faire. C’était dur d’entendre tout cela.

Les deux Syriens m’ont affirmé :

Au début de la guerre civile, le régime nous a arrêtés avec 20 personnes dans la même situation, sous prétexte de livraison d’armes à l’armée syrienne libre présente à Alep. Après avoir subi les tortures et tous les traumatismes, après avoir sillonné quasiment toutes les usines de la mort en Syrie ; dans les prisons, dans les camps de détention… Et tous les lieux où la mortalité est effrayante. En effet, l’enrôlement forcé, la torture, les atteintes interminables, la promiscuité créent une atroce déchéance physique. Ceux qui refusent de s’engager dans l’armée syrienne, avec l’armée syrienne libre ou encore le groupe Al-nosra sont tués. Si nous avons échappés, si nous avons pu survivre à tout cela, c’est que la mort nous a fuis.

Waleed Khaled, réfugié syrien au Liban.
Des vies brisées par la guerre

Pour ces réfugiés, restaurer partiellement  leur vie a été un long combat qu’ils ont mené. Ils soulignent également : 

Avant la guerre, nous voulions devenir médecins, mais cette guerre a brisé nos rêves.

Nour Zouari, réfugié syrien au Liban.

Aujourd’hui réfugiés au Liban, ils se battent comme ils peuvent, grâce à la solidarité de certains amis libanais et au peu d’argent qu’ils ont pris avec eux en Syrie. Ils me confient :

C’est une grande chance pour nous de pouvoir se battre au Liban, car les réfugiés fuyant la guerre en Syrie voient toutes les portes se fermer devant eux, même dans certains pays arabes. Des réfugiés syriens à la recherche d’issues sûres et légales se retrouvent catalogués.  

Nour Zouari, réfugié syrien au Liban.
La banlieue Sud de Beyrouth au Liban. Dans cette partie de la capitale libanaise, on retrouve de nombreux réfugiés syriens.
Crédit photo : Kenfack Dirane

Transférés dans différentes prisons de Syrie, ils m’expliquent avoir rencontré des hommes et des femmes torturés et amputés, d’avoir vu des cadavres, de gens affamées, la peau sur les os abîmée par les coups et d’ajouter :

Ces prisons sentaient la mort et les cadavres. Conséquemment à ces tortures, les victimes doivent faire face, dans la crasse, à des poux, à des infections, à même le sol.

Waleed Khaled, réfugié syrien au Liban.

Mais souvent, comme il s’agit pour eux du comble du déshonneur.

Tous sont responsables de cette guerre 

Pour eux, tous les acteurs en Syrie sont responsables du chaos ; les Américains, en voulant détruire la Syrie qui se portait bien, ont favorisé l’implication d’autres acteurs qui ont aggravés les choses : les Turcs, les Russes, les Iraniens, les chiites libanais, les clivages entre les Syriens et les ramifications de groupes terroristes. Tous ont commis les crimes de guerre, y compris le régime.

Nous espérons que justice sera faite. Quand les rebelles se sont emparés de Yarmouk en décembre 2012, l’armée syrienne, loyale au régime, a bombardé un camp sans distinction, avec le silence complice des pays arabes. C’est un syndrome arabe. Dix ans après la révolution syrienne, alors que le régime baathiste tente de réécrire une histoire de ce conflit où il se positionne en victime, la justice est là pour rappeler que les crimes commis en Syrie ne resteront pas impunis.

Waleed Khaled et Nour Zouari, réfugiés syriens à Beyrouth au Liban.

La Syrie est totalement contaminée par les restes explosifs, une contamination sans précédant. Il est vrai que Bachar Al-Assad est obsédé par la conquête d’Idlib avec l’appui des russes. Idlib est devenu un véritable champ de guerre. Pour oublier la souffrance et les tortures endurées, ils travaillent dans leur commerce à Beyrouth, une nouvelle vie dans l’espoir de construire un avenir meilleur. Ils ont réappris à vivre avec le traumatisme qu’ils ont subi. Mais pour eux, ils veulent retourner en Syrie, car c’est leur terre.

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