Émergence de l’Égypte : quelles leçons pour les dictatures d’Afrique francophone ?

Article : Émergence de l’Égypte : quelles leçons pour les dictatures d’Afrique francophone ?
Crédit: Kenfack Dirane
12/07/2021

Émergence de l’Égypte : quelles leçons pour les dictatures d’Afrique francophone ?

Le développement incarné par le leadership

Le développement de l’Égypte est le résultat d’un leadership incarné par ses dirigeants. Pour y parvenir, il a fallu mettre fin à la colonisation par la force, arracher l’indépendance et adopter un modèle de développement original, bien que ce soit difficile. L’Égypte a réussi ce challenge avec son premier président Gamal Abdel Nasser, un opposant à la colonisation britannique, puis à la monarchie. Son prestige atteint son paroxysme lors du printemps arabe. Précisément, le printemps arabe a été il y a six décennies celui de la défaite de l’occident, c’était le printemps du nationalisme révolutionnaire arabe incarné par Nasser avec la victoire arabe de 1956 sur l’expédition coloniale de Suez. Le retournement du terme Printemps arabe en 2011 illustrait la victoire occidentale sur les héritiers de ce même nationalisme révolutionnaire arabe.

Le nouveau canal de Suez en Égypte, symbole de la renaissance. Toutes les deux minutes, au moins un bateau traverse ce canal. Le trafic maritime y est particulièrement dense. Le Canal de Suez a une importance particulière dans l’histoire de l’Égypte. Sa nationalisation en 1956 par Nasser constitue un défi à l’égard des colonisateurs français et anglais. Elle est à l’origine de la crise de Suez en 1956. Le leadership de Nasser permit la mise en avant de l’intérêt national.
Crédit photo: Kenfack Dirane
Dans la salle de l’autorité de gestion du Canal de Suez, on observe les photos des leaders qui ont marqué l’Égypte. Sur la photo, l’image à droite, le président Nasser qui avait nationalisé le Canal de Suez, au Centre le président Sadate qui l’a consolidé et à gauche, le président Al-Sisi qui a construit deux nouveaux canaux, symboles de la renaissance.
Crédit photo: Gloria Dei Isalu

Qu’est-ce que l’Afrique Francophone ?

Beaucoup seront peut-être surpris en lisant ce titre. Cela peut paraitre même dingue, mais c’est évident. L’Afrique francophone est la zone qui tarde encore à se développer dans le monde. Autrement dit, c’est l’espace le moins avancé au monde en termes d’infrastructures, de développement humain, un espace pourtant riche en ressources naturelles. Cet espace bat le plus grand record de corruption dans le monde. C’est la zone qui abrite encore les plus vieux tyrans au pouvoir, choisis par l’Élysée.  C’est un espace où le système politique est verrouillé avec une oligarchie. L’Afrique francophone accueille les troupes d’occupation étrangères (françaises particulièrement). C’est un frein pour l’émergence d’une armée nationale forte, et cela matérialise la françafrique et les accords incestueux de coopération auxquels il faut absolument mettre un  terme. Il est important de noter que l’Afrique francophone est encore sous domination coloniale.

Dans quasiment tous les pays d’Afrique francophone, l’indépendance a été volée par la France et le processus de construction nationale a échoué. Mais il y a une nouvelle manière de procéder, à savoir celle d’un nouveau leadership, celle de nouveaux leaders. Des hommes forts, capables de dire non au colonialisme, des hommes forts prêts à mettre en avant l’intérêt national, prêts à mourir pour chasser le prédateur français. Les ressources de ces pays profitent à la France, Mais les populations vivent dans la pauvreté et la précarité et les États excellent dans la répression.

Ce que je retiens de l’Égypte

Bien que le système politique soit un système militaire, voire militariste, qui a son emprise sur quasiment tous les secteurs de la société égyptienne (ce que je développerai dans un autre billet), les dirigeants ont un souci pour leur peuple et aussi pour la grandeur de la nation. C’est un constat ; la grandeur de la nation est mise en avant, le pays est en communion avec son histoire, sa mémoire, ses héros, son passé et cela se matérialise à travers le développement.

En Égypte, les héros, en commençant par les pharaons, sont vénérés. Les chefs d’État qui ont marqué le pays inspirent les générations à travers leurs actes positifs et non la propagande comme dans l’Afrique francophone.

J’ai commencé par observer l’Aéroport du Caire. Un gigantesque aéroport. Au Caire, toutes les deux minutes un avion atterrit et décolle. L’aéroport dispose de sa ligne de tramway. J’ai vu des autoroutes, des tunnels, d’innombrables ponts construits et ceux en construction afin de fluidifier le trafic et d’éviter les bouchons qui sont un frein pour l’économie et génèrent de nombreuses pertes.

Trafic hyperdéveloppé

Je n’ai pas fait plus de deux minutes dans les bouchons, bien que la ville ait une population estimée à  22,9 millions de personnes en 2016, ce qui témoigne de la fluidité du trafic. Le métro du Caire comprend un dense réseau qui dessert la ville du nord au sud et de l’ouest à l’est. L’Université du Caire dispose de sa ligne de métro et d’une autre ligne en construction. Le Caire dispose également de son tramway, comme Alexandrie. Aussi, les travaux en cours sont une réponse des dirigeants aux défis liés à la croissance rapide de la population. C’est en ce sens que des prévisions sont faites pour répondre aux besoins de la population, et c’est ce qu’on appelle la gouvernance. J’ai observé également les immeubles, avec une architecture spéciale et des matériaux durables.

Le dispositif de sécurité est assez impressionnant ; les unités de police sont partout, les cameras de surveillance pullulent, même où on ne pense pas. Le pays est en état d’alerte. Je suis allé plusieurs fois à la place Tahrir et j’ai observé ce lieu emblématique du printemps arabe.

La station de métro El Monib au Caire.
Crédit photo: Kenfaack Dirane
La place Tahrir au Caire. Symbole de contestations, cette place a été rénovée à l’occasion de la parade pharaonique. Elle est la place centrale du Caire. Cette place est gardée 24h sur 24 par la police égyptienne et les attroupements y sont interdits.
Crédit photo: Kenfack Dirane

La nouvelle capitale de l’Égypte

 J’ai été au Nouveau Caire, la nouvelle capitale de l’Égypte, un projet du président Abdel Fatah El-Sisi. C’est assez extraordinaire. J’ai été frappé de voir comment un dirigeant fait des réalisations aussi pharaoniques en un temps relativement court. Pourtant, chez nous, on a passé 37 ans à nous enfumer avec les maquettes de tramway, de satellites, des routes virtuelles et d’une CAN qu’on n’organisera peut-être pas. Nous avons parcouru les chantiers de la nouvelle capitale. C’est un immense désert en cours de colonisation. J’ai observé les engins en action, les ministères et autres bâtiments gouvernementaux déjà achevés, les bâtiments construits en marbre, du marbre venu du Zimbabwe, des autoroutes gigantesques, des ponts, des tunnels.

Parfois on se perd au milieu de ces chantiers. C’est impressionnant. De l’eau qui coule dans un désert. L’Université canadienne du Caire est en cours de construction dans la nouvelle capitale, et l’Université américaine du Caire y a déjà installé ses nouveaux locaux. Aussi, j’ai vu des logements sociaux construits pour les pauvres dans ce quartier de bourgeois. Le nouveau Caire se trouve dans le district d’Héliopolis en Égypte. Le projet vise à désengorger le Caire. J’ai été impressionné par le travail des dirigeants égyptiens qui est impeccable.

Le nouveau Caire dans le district d’Héliopolis. Ce désert en cours de transformation en mégapole voit naitre de nouveaux quartiers avec des immeubles construits pour la plupart en marbre.
Crédit photo: Kenfack Dirane

Ce que l’Afrique francophone peut tirer de l’Égypte

Tout commence par le leadership. Si les dirigeants ne pensent pas à leur peuple, ils ne feront rien pour eux. Il faut donc commencer par arracher l’indépendance, mettre un terme au néocolonialisme, aux relations incestueuses et aux accords infâmes et immoraux avec le colon. Les sous-préfets installés par la France au pouvoir en Afrique francophone doivent cesser de vendre leur pays et travailler pour l’intérêt national. Comme en Égypte, développer les infrastructures globales qui sont la base de l’économie : routes pour accroitre la mobilité des personnes et des biens, éducation, ultranationalisme, lutte contre la corruption, transparence, bonne gouvernance, promotion des jeunes etc…

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